L. Szondi


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LA PARTITION SZONDIENNE DU SEXUEL : CHANGE ET ECHANGE

Jean KINABLE

Il est convenu que le titre donné à un exposé ait pour mission d’apporter une double précision quant à son propos : en annoncer le sujet tout en délimitant déjà également son objet. Mais s’agit-il bien là de deux propositions si pas indépendantes du moins différentes, alors que ces deux termes “objet” et “sujet” peuvent s’employer, dans de nombreux usages, tels des synonymes susceptibles de se remplacer quasi indifféremment et d’échanger légitimement leur place ? Mais justement cette nuance de langage n’est-elle pas d’autant plus indiquée quand il est question de ce vecteur de la vie des pulsions dont nous avons pris l’habitude, au sein du Centre d’Études Pathoanalytiques, de considérer qu’il nous propose un démontage des termes mêmes suivant lesquels la question de l’ objet est susceptible de se poser et de s’articuler en référence à la dialectique de la pulsion? Schotte (1993) le rappelait au colloque de Budapest en déclarant que «la catégorie de l’objet est la catégorie dominante du deuxième registre» (du système szondien des pulsions) (p.17). Ainsi donc la problématique de l’objet en psychanalyse ressortirait électivement de ce registre de la systématique szondienne, laquelle nous proposerait une analyse des racines (ou des ressorts) du fonctionnement desquels procède l’élaboration de l’objet : son instauration dans la dynamique de la pulsion; sa trouvaille-retrouvaille; son choix dans la vie sexuelle (érotico-agressive/amoureuse-haineuse); sa détermination d’un mode de relation dit “relation d’objet”; etc. Bref, l’objet, il en est question, en psychanalyse freudienne et post-freudienne, sous une diversité d’occurrences dont le disparate en appellerait volontiers à des tentatives de mise en ordre et à une démarche d’examen de la question de savoir si et comment toutes ces occurrences ont partie liée entre elles, dans une éventuelle communauté d’origine les faisant ressortir de et à la pulsion sexuelle.

Puisque quelques réflexions seront proposées en ce sens, il convient de commencer par discerner le sujet et l’objet de la présente démarche. Ces deux mots, comme tels, ne diffèrent que par les prépositions

fn 1 : “ob” qui signifie, en première instance, “devant” tandis que “sub” signifie “sous”; en l’occurrence ce qui se trouve alors sous-entendu, c’est qu’il s’agit de positions par rapport à soi : devant soi et sous soi. Pour opérer cette nuance, souvenons-nous de la distinction suggérée par Lalande (1968) disant, à propos d’une discussion, que le sujet en «est simplement ce dont elle traite; l’objet est le but qu’on s’est proposé en l’instituant» (p. 1069). Le sujet de notre rencontre s’est énoncé comme “les versions du sexuel”. Dans ce thème général, le sujet plus particulier qui m’est imparti est la version spécifique qu’en propose la conception szondienne telle qu’elle résulte, d’une part, de son insertion au sein d’un système des pulsions plus large, comprenant trois autres registres, d’autre part, d’une décomposition de la pulsion en cause en quatre tendances-racines élémentaires, chacune susceptible de jouer sa partie propre, sui generis, suivant diverses logiques combinatoires possibles et de connaître ainsi des destinées variables dont dépendent les figures de la sexualité. C’est bien là ce qu’évoque le terme de “partition”. Il suggère également que mon sujet se déterminera en faisant la part de questions dont il ne traitera pas, malgré leur importance. Ce découpage se fera par rapport à un double arrière-plan qui, bien que concerné, restera en attente d’approfondissement. D’un côté, en me concentrant sur quelques unes des indications szondiennes intéressantes à développer, je laisserai trop peu abordée leur confrontation avec d’autres conceptions issues du mouvement analytique, même là où je m’y réfèrerai. D’un autre côté, cette dite “partition szondienne du sexuel” ne prend toute sa portée et sa pleine signification que ressaisie dans son rapport d’appartenance au schéma d’ensemble des pulsions avec lequel elle forme système et entre en dialectique. Sur ce point également le découpage de mon sujet ne pourra que laisser à désirer. Quant à mon objet (ou objectif), il est d’envisager dans quelle mesure cette partition concerne les processus de traitement d’une problématique humaine fondamentale qu’il est légitime et pertinent de définir comme celle “du change et de l’échange”. Autrement dit, telle serait une manière de formuler un enjeu essentiel, décisif, de la partie qui est appelée à se jouer grâce à et à travers ces facteurs de choix que Szondi a définis dans sa mise en schéma de la pulsion sexuelle (ou du sexuel dans la pulsion).

Attardons-nous un instant sur le terme de partition. Et tout d’abord disons qu’il suggère bien l’une des opérations essentielles à laquelle correspond la mise en système (et en un système structural et dialectique) de l’ensemble, prétendument exhaustif, de tous les dynamismes pulsionnels. Partition exprime une opération de division et de partage portant non seulement sur cet ensemble mais, du même coup, sur l’ensemble de la psychopathologie, dès lors qualifiée de pulsionnelle, et par voie de conséquence, en bonne logique pathoanalytique, sur l’ensemble des registres fondamentaux de l’existence ou des domaines constitutifs de la condition humaine. Une fois ces registres départagés les uns des autres et une fois chacun de ceux-ci démonté dans ses mécanismes constituants, tout un travail de répartition, voire de redistribution des matières selon ce tableau se trouve engagé aux fins d’attribuer à chaque vecteur les faits psychiques et les concepts théoriques qui relèvent de sa compétence. Ainsi se précisent tant les spécificités et les distinctions que les articulations entre ces vecteurs. Le registre qui nous occupe est habituellement désigné comme le deuxième. Cette qualification s’entend notamment dans un sens logique mais aussi génético-historique : il s’engendre et se met en place en second, sur fond et à partir d’un registre plus primordial, celui du contact. Ce qui implique donc que la partie spécifique qui s’engage en ce vecteur second reste dans la dépendance du sort réservé à la manière de traiter la problématique primordiale du contact et de négocier le passage au sexuel. Dès lors également il devient parfaitement concevable que des troubles cliniques, dont le registre de manifestation se situe à l’évidence dans la sphère de la sexualité, doivent s’interpréter comme relevant d’abord et avant tout d’une pathologisation du contact, par exemple d’une logique psychopathique voire psychosomatique. Les indications szondiennes en ce sens (par exemple lorsqu’il réfère le donjuanisme ou la nymphomanie à l’actualisation maniaque du besoin d+ , telles des figures de “Haltlosigkeit” fn 2 ) semblent anticiper sur des travaux plus récents comme ceux où une J. Mac Dougall (1993) parle de “sexualité addictive” au sens où c’est la pratique sexuelle qui fait office de moyen toxicomaniaque.

Comme pour chacun des registres, la partie qui se joue en ce deuxième vecteur, à un ou à plusieurs joueurs, est une partie carrée. Dire que Szondi nous en fournit la partition peut s’entendre dans plusieurs sens, notamment en songeant à l’usage de ce terme en musique. Premièrement, les formes et figures de la psychopathologie sexuelle que l’on est amené à discerner phénoménologiquement seraient à déchiffrer, dans leurs processus de composition interne, comme autant de variations sur les mêmes motifs problématiques essentiels, mais suivant des principes et des logiques de structuration d’ordres différents. Cette partition des formes de destinée de la sexualité et le schéma d’analyse qui en est ainsi proposé permettent de dégager, étant entendu que le sexuel est affaire de choix, non seulement quels sont les facteurs de ce choix mais également sur quoi portent ces choix. Deuxièmement donc, ce système de facteurs établit quelles sont les parties en présence, engagées dans le procès de toute destinée sexuelle, et selon quelles modalités ces participations peuvent exécuter leur partie pour former diverses figures ou “clivages”. Troisièmement et finalement, s’il revient à chaque homme de faire son jeu, en matière de sexualité, à partir du quatuor d’instruments que représentent les radicaux vectoriels, cependant l’exécution et l’interprétation du drame ainsi composé devront s’entendre comme la mise en oeuvre de quelque scénario dont la partition écrite relève de ce qu’on appelle le fantasme. Sur ce point également, la partition szondienne fournit une clé de lecture pour en déchiffrer les enjeux.

Ces précisions apportées, le développement de mon thème se fera en deux étapes. En un premier temps, dégager certaines lignes de force de l’organisation szondienne du champ des psychopathologies sexuelles permettra d’expliciter quels sont les enjeux en cause dans la dramatique du vecteur. Ensuite, en reparcourant le circuit des mécanismes de ce vecteur, ceux-ci seront envisagés en tant que dramaturgie des procédures d’élaboration de ces enjeux.

ENJEUX DU SEXUEL

La nosographie szondienne distribue les formes morbides de la sexualité en les répartissant sur deux axes, consacrant ainsi une dualité essentielle entre deux ordres fondamentaux de pathologisation possible du sexuel. En première instance on peut dire que cette distinction correspond à celle entre inversion et perversion, distinction dont est porteur le duo des facteurs propres au vecteur (h et s). J’ai déjà eu l’occasion de développer dans un texte antérieur (1991) toutes les implications du terme de “version”, si pertinent pour signifier ce que sont les destinées spécifiquement sexuelles. Les indications auxquelles je voudrais m’attacher ici sont celles que nous fournissent les préfixes utilisés pour les discerner. Mais auparavant rappelons brièvement sur quoi portent les choix en instance de se déterminer ou d’en rester à quelque forme d’indétermination. Si ces choix sont en cause dans n’importe quelle version de la sexualité, c’est leur importance relative, l’un pouvant devenir déterminant pour les autres, et c’est l’option ou la prise de position à laquelle ils donnent lieu qui seront décisives pour spécifier la teneur de chacune de ces versions. Resoulignons également, au passage, que si Freud, dès ses “Trois essais sur la théorie sexuelle”, nous donne à entendre les choix dont il s’agit, c’est à travers la distinction qu’il proposait , de prime abord, entre trois types d’homosexuels.

Sexuel au choix

Si le sexe doit faire l’objet d’un choix, ce choix du sexe est triple : 1° celui du partenaire dans et pour une relation d’objet sexuelle; 2° celui du sujet lui-même dont l’identité monosexuée doit s’attribuer dans une relative conformité au genre d’appartenance, tel que certains attributs spécifiques prétendent le définir, mais ceci à partir d’une bisexualité originaire ou d’une androgynie psychique; 3° enfin, celui d’investir l’une ou l’autre pratique d’exercice effectif, en acte, de l’activité sexuelle, en elle-même et pour elle-même, en tant que mode d’accès électif au plaisir et de réalisation préférentielle de quelque scénario fantasmatique fn 3. Freud ne manquera pas d’insister sur la nécessité de distinguer rigoureusement ces trois ordres de choix, notamment de faire la différence entre le choix d’objet et le choix d’une certaine manière d’être soi-même, de s’identifier, de s’éprouver, de prendre position et de tenir un rôle selon les attributs propres aux modèles de la masculinité-féminité. Ainsi dans le passage suivant, extrait de son texte de 1920 sur la “psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine” (1973, pp. 268-269) : «La littérature de l’homosexualité a coutume de ne pas séparer assez nettement les questions du choix d’objet d’une part et du caractère sexuel ainsi que de la position sexuelle d’autre part, comme si la décision sur l’un des points était liée d’une manière nécessaire à l’autre. L’expérience montre pourtant le contraire : un homme présentant d’une manière prépondérante des caractères masculins, et qui montre aussi le type masculin de la vie amoureuse, peut cependant être un inverti du point de vue de l’objet, et n’aimer que des hommes au lieu de femmes. Un homme dans le caractère duquel les traits féminins l’emportent d’une manière aveuglante, qui va jusqu’à se comporter comme une femme dans l’amour, devrait être aiguillé par cette position féminine vers l’objet d’amour masculin; mais il peut malgré tout être un hétérosexuel, et ne pas montrer plus d’inversion du point de vue de l’objet qu’un individu absolument normal. La même chose vaut pour les femmes : chez elles non plus caractère sexuel psychique et choix d’objet ne sont pas unis par une relation fixe de coïncidence. Le mystère de l’homosexualité n’est donc pas du tout aussi simple que ce qu’en dit la présentation à usage populaire qu’on se plaît à en donner : une âme féminine, vouée par conséquent à aimer les hommes, par malheur tombée dans un corps masculin, ou une âme masculine, irrésistiblement attirée par les femmes, hélas bannie dans un organisme féminin. On a affaire plus tôt à trois séries de caractères :

Caractères sexuels somatiques Caractères sexuels psychiques

(hermaphrodisme physique) (position masculine/féminine)

Mode du choix d’objet

qui jusqu’à un certain point varient indépendamment les uns des autres et sont susceptibles, chez les différents individus, de permutations diverses. La littérature a empêché d’y rien comprendre en poussant tendancieusement au premier plan, pour des motifs pratiques, le comportement venant en troisième lieu et qui seul frappe le profane, je veux dire le choix d’objet, tout en outrant la fixité de la relation existant entre ce troisième point et le premier.» [nous soulignons le terme “permutations” dont l’importance sera développée infra].

Si ces choix concernent bien des enjeux différents, ils n’en sont pas pour autant complètement indépendants l’un de l’autre et ils gardent partie liée entre eux. Ainsi par exemple, toute mise en pratique engage toujours également un certain rôle de sujet et une certaine fonction d’objet, tels qu’ils se déterminent par le type d’action pratiquée. L’intéressé peut s’en faire l’agent ou le patient, le sujet ou l’objet. La problématique de son identification peut se traiter en tant que et pour autant qu’elle résulte du fait d’avoir à son actif telle conduite sexuelle. Son identité peut chercher à s’assurer d’une certaine mise en oeuvre de soi dans telle pratique, où sont adoptés telle position et/ou tel rôle. Cependant l’un de ces trois choix peut l’emporter sur les autres en les subordonnant à ses finalités, voire en les excluant. Le choix d’objet ou du sujet peut ne donner lieu à aucune mise en pratique. Mais qu’un triple choix se trouve donc en cause et en procès signifie que l’objet, le sujet et l’action ont à se sexuer et à se sexualiser. Toute version de la sexualité sera à analyser du point de vue des solutions adoptées quant à ces trois options à prendre. Bref si les enjeux de la sexualité doivent faire l’objet d’un choix processif, d’une progressive manière de se déterminer à leur égard, d’une prise de position élective entre variantes possibles, ce choix sexuel ou du sexe portera tout à la fois sur ces trois plans : sur quelqu’autre, partenaire visé comme objet; sur soi-même comme sujet; sur les pratiques d’une action spécifique en quête de satisfaction.

La référence à la systématique szondienne nous invite à rapporter la problématique du choix d’objet et celle du choix du sujet au facteur h , celui du vecteur qui est considéré comme le facteur directeur, tout en attribuant le premier choix à la position initiale (h+) et le second à la position finale (h-). Ce facteur du sexuel, Szondi le conçoit en affinité élective avec le facteur p du moi : celui selon lequel se pose la question de l’être et des idéaux d’être. D’autre part, la problématique du choix d’une mise en pratique dans une relation d’objet est rapportable au facteur s considéré comme médiateur, lui-même ressaisi dans son rapport structural avec le facteur moiïque qui situe la dimension de l’avoir (k). Et Szondi répartit les perversions en “introjectives” (k+) et en “destructives” ou “négatrices” (k-).

Par ailleurs, dire que ces choix sont processifs, ce n’est pas seulement prendre en compte ce rythme temporel d’instauration historique de la sexualité, lequel se produit en deux temps ainsi que Freud l’a décrit (en disant qu’entre la sexualité infantile et la résurgence pubertaire, allant vers la sexualité adulte à travers l’adolescence, intervient une phase de latence suite à un refoulement à l’issue de la dramatique oedipienne). Mais en outre, nous pouvons considérer que les trois choix en question sont appelés à se succéder dans le temps. Ici, à nouveau, nous pouvons prendre modèle sur les destinées de l’homosexualité et nous inspirer d’études menées à leur propos. Certaines recherches empiriques sous forme d’enquêtes ont adopté une perspective historique quant au développement progressif de l’homosexualité. Elles mettent notamment en évidence un constat particulièrement intéressant pour notre propos, à savoir un décalage temporel entre trois moments successifs : 1° l’âge où, pour la première fois, s’éprouvent à l’état manifeste, vis-à-vis d’autrui, les tendances, les émois ou les désirs orientés homosexuellement; 2° l’âge où se produit une première expérience de relation homoérotique effective, sous quelque forme de pratique que ce soit; 3° l’âge où l’intéressé prend conscience, de façon décisive, qu’il lui faut se reconnaître comme étant homosexuel c’est-à-dire également se reconnaître comme différent de la majorité, soit donc l’âge où il s’avoue à lui-même son orientation en se décernant cette identification de soi. C’est dans cet ordre-là que se succèdent ces trois moments chez le garçon tandis que chez la fille, les deux derniers moments tendraient à s’intervertir. En outre, le garçon serait plus précoce que la fille. Citons les conclusions sur ce point d’une enquête faite en France (J. Cavailhes et alii, 1984) : «On peut essayer de comprendre le cheminement type d’un homosexuel et d’une lesbienne à partir des âges moyens constatés. Bien entendu le fait qu’il s’agisse là de moyennes implique que le schéma ne peut s’appliquer à tous. Le jeune homosexuel voit son désir le porter vers un autre garçon vers 14 ans et demi; un an plus tard il constate que son orientation sexuelle est différente de celle de la majorité. Il a son premier rapport homosexuel vers 17 ans avec un partenaire un peu plus âgé; quelque fois il aura eu un peu avant son premier rapport hétérosexuel; c’est à 18 ans passés qu’il se dira “je suis homo” et en parlera à quelqu’un d’autre.

La jeune lesbienne commence à ressentir un désir pour une autre fille vers 16 ans; elle aura pourtant souvent un premier rapport hétérosexuel à la même époque. Vers 17 ans elle constatera qu’elle est différente de la majorité de ses copines au plan de l’orientation sexuelle mais c’est seulement à 19 ans qu’elle va en parler à quelqu’un, avoir son premier rapport homosexuel avec une compagne de deux ans son aînée et se dire “je suis lesbienne”.

Globalement le jeune homosexuel aura plus de mal à assumer son homosexualité que la jeune lesbienne qui la vivra presque toujours positivement.» (pp.40-41). Cette chronologie génétique qui serait observable cliniquement, il paraît intéressant de la mettre en rapport avec le temporalité propre au circuit du vecteur sexuel, laquelle fait se succéder la position initiale h+ à laquelle fut référée la question du choix d’objet, le facteur s auquel s’est vue attribuée la question du choix des pratiques et la position finale h- où s’impose la question de l’implication du sujet et de son identification.

Invertir - Pervertir

Revenons-en à présent aux indications contenues dans la discrimination opérée par Szondi entre les inversions et les perversions. Cette distinction fondamentale fonctionne comme principe de répartition des diverses formes de la psychopathologie sexuelle. Pour l’évoquer rapidement, au risque d’être trop sommaire, disons que du côté des inversions se retrouvent l’homosexualité ainsi que la bisexualité ou autres ratés de la monosexuation, mais aussi ce qu’on appelle la sexualité contraire qui vient contrer le sexuel, voire le neutraliser. A cet ensemble appartient également le travestisme et nous pourrions y ranger le transsexualisme dans les deux sens où peut s’entendre ce préfixe “trans-” : soit le passage d’un sexe à l’autre, soit l’outrepassement, le passage hors sexe. C’est finalement en ce registre que Szondi localise ces aberrations du choix d’objet que sont la pédophilie, la gérontophilie, la zoophilie ou la nécrophilie. Du côté des perversions seront rassemblés tant le fétichisme que les versions qui s’articulent selon ces couples d’opposés majeurs dont Freud avait consacré l’importance en ce domaine, couples au sein desquels s’observent divers “renversements dans le contraire” et pour lesquels le sadomasochisme s’avère paradigmatique. Dans l’organisation de ce champ en fonction des deux radicaux du facteur de l’avoir dans le moi, les perversions introjectives comprennent le fétichisme et le masochisme, les perversions négatrices, le sadisme et l’exhibitionnisme. Cependant le voyeurisme et l’exhibitionnisme impliquent également le facteur hy du vecteur paroxysmal, tout comme la gamme des pratiques perverses peut s’étendre à tous les besoins du schéma pulsionnel, à l’exclusion du vecteur du moi.

Ce que ces propositions nous donnent à penser, en nous invitant à les prolonger, c’ est que cette distinction situe deux principes de variation possible des versions du sexuel, soit encore des procédures spécifiques de pathologisation dont une indication nous est fournie à travers la différence des préfixes “in”- et “per-” . Analyser ce que signifie invertir le sexuel et quels en sont les mécanismes, et faire de même en ce qui concerne son pervertissement, nous en apprendra sur la dramaturgie propre à ce vecteur.

Commençons par les processus de pathologisation qui consistent à pervertir le sexuel.

Le verbe latin “pervertere” signifie mettre sens dessus dessous, renverser de fond en comble. Le préfixe “per-” indique l’idée d’un mouvement qui va jusqu’au bout, jusqu’à un point extrême où se produit alors un renversement du sens. Tel est ce mode d’altération : c’est par excès et extrémisme que survient la métamorphose classiquement entendue comme changement du bien en mal, du bon en mauvais, comme le bouleversement destructeur des lois ou la dénaturation de ce qui en soi, par nature, n’est point morbide. Puisqu’il est question ici de mise en pratique dans un recours à l’agir, la morbidité de l’action est moins une affaire de contenu de l’activité (en elle-même et du point de vue de l’objet et du but), mais bien plutôt la place démesurée qu’elle prend et ses modalités de réalisation. Semblablement, puisque l’activité dramatise des scénarios fantasmatiques, la morbidité ne consiste pas non plus dans le contenu même du fantasme en cause, mais dans ce que ce mode de réalisation implique comme transgression des rapports fantasme-réalité et comme usage de la réalité.

En latin, le préfixe “per-” a pour sens : de part en part, complètement. Dans une étude consacrée à la racine “per”, H. Maldiney (1982) développe que sa signification implique l’idée d’un mouvement d’avancée se poussant et se tournant vers une visée lointaine, mouvement de se porter en avant et hors de soi en direction de quelque destination. Mais de plus, ajoute-t-il, elle indique l’idée d’un excès, d’un “très”, voire d’un “trop” (par comparaison avec autre chose ou relativement à autre chose), ou encore l’idée d’une intensification littéralement ex-orbitante jusqu’à passer outre et passer la mesure. Et la mise en pratique prend cette fonction d’outrepassement. Nous retrouvons l’idée freudienne (présente dès les “Trois essais” fn 4) que le pathologique consiste en l’exacerbation disproportionnée, démesurée voire exclusive, fanatique, passionnelle ou compulsive, de l’une des tendances pulsionnelles (comme celles dites partielles de la sexualité infantile) au détriment d’autres avec lesquelles cette tendance serait appelée à devoir se combiner et s’articuler (au titre de composantes d’un tout, en instance d’organisation et de hiérarchisation). La suraccentuation de l’une de ces composantes s’opère contre d’autres, les excluant en prenant toute la place et en emportant le morceau, tenant lieu de et remplaçant toute autre forme de procès dialectique. Ainsi se produit une isolation au détriment d’un régime et d’un système de fonctionnement d’ensemble qui aurait établi une juste proportion et une mesure réciproque des diverses composantes entre elles et les unes par rapport aux autres, devenant ainsi constituantes. Ainsi la version perverse oscille-t-elle entre la transgression par débordement, à la limite de toute mise en forme régulatrice, et la fixation qui impose l’exclusivité contraignante contre l’intégration, ainsi que l’immobilisation d’un déroulement qui aurait eu à se poursuivre. De telles fixations ont parfois été appelées “arrêt sur image”, elles sont aussi un arrêt à un moment isolé : celui-ci n’est plus la phase transitoire d’un parcours, mais il se trouve retranché, soustrait à un processus en devenir auquel cette fixation vient mettre un terme. Toute cette opération a pour sens de correspondre à une stratégie défensive. C’est une voie de détour (perversion veut aussi dire dévoiement ou déviance) pour échapper, se dérober ou se refuser à quelqu’angoisse, qu’il s’agisse d’angoisse plus primordiale susceptible de faire retour ou d’une angoisse en instance de poindre là où le parcours vous acheminerait. On a pu y voir une tentative de refermer, de boucler sur un bien garanti (appartenant au prégénital que l’on sauvegarde) et sur une assurance tout risque, ce qui s’ouvrait sur une quête aventureuse et risquée, où rien jamais ne paraîtrait acquis de façon aussi assurée. Et la perversion de correspondre à un fonctionnement en circuit fermé qui est un court-circuit, coupant court dans un cursus dont le circuit aurait à se poursuivre. Il tourne court dans l’immédiat d’une satisfaction se voulant toujours garantie. Une autre façon de formuler les choses, chez Freud, est de considérer que la fixation à des buts normalement préliminaires fait perdre à ceux-ci leur fonction apéritive : c’est-à-dire, littéralement, de frayage puisque “aperire” veut dire ouvrir. Dans la perversion, l’apéritif (qui est censé ouvrir l’appétit pour une suite d’autres réjouissances) vient les remplacer absolument : tout le repas s’y absorbe. A une organisation d’ensemble se substitue ainsi exclusivement ce qui normalement devrait s’y intégrer à titre de préparatif. Qu’un préliminaire devienne seule finalité ne se produit que par défense et comme mesure de sauvegarde au bénéfice souvent de l’autosuffisance d’un autoérotisme anobjectal, prégénital, voire du narcissisme.

Abordons maintenant les processus de pathologisation par inversion. La spécificité se marque dans le préfixe “in-”. Or invertir peut prendre deux directions de sens méritant d’être distinguées : celle du verbe inverser et celle du verbe intervertir. Ainsi peut-on considérer que ce préfixe se charge, en l’occurrence, d’une double signification. D’une part, celui d’une certaine négativité et contradiction : ainsi parle-t-on aussi de la sexualité invertie comme d’une sexualité contraire, voire reniée. Peuvent se voir récusées la nécessité ou les implications tant du choix d’objet que du choix de sujet, tant la sexuation de l’un ou de l’autre que la sexualisation de la relation de l’un à l’autre. D’autre part, celui de la préposition “inter” qui évoque une distinction établie par une répartition de positions relatives et un jeu de permutation entre elles, soit les variations sur le choix d’objet entre soi et autrui, le même et l’autre, le semblable et le différent, le partenariat ou le jeu en solitaire (la masturbation) dans la partie à jouer.

Prenons tout d’abord le processus d’invertir au sens d’effectuer une négation ou d’aller à contre-courant, de contrer, de faire le contraire ou de s’opposer. Si “invertere” signifie retourner, on peut l’entendre au sens de rebrousser chemin, de faire retour au point de départ, voire en deçà, de reparcourir en sens inverse ou d’aller à contresens d’un développement. On ne peut en rester ici à l’acception banale selon laquelle l’homosexuel se trouve décrit comme inverti parce qu’il ferait le contraire de l’hétérosexuel dans ses choix d’objet, voire de son modèle indentificatoire de genre. C’est cependant bien de la problématique du choix d’objet dont il s’agit et de l’importance ou de l’impact que prend, dans et pour l’organisation de la pulsion sexuelle, l’intervention d’objets qui deviennent des pôles d’orientation de par leur pouvoir de séduction ou de répugnance, introduisant du fait même à un mode de fonctionnement, tout à la fois et l’un à travers l’autre, de l’objectalité et sous le régime de la séduction. Dès lors qu’un pôle de centration intervient et est constitué, posé comme tel, en ob-jet, au devant de soi, c’est lui qui va donner une tournure déterminée à la poussée des pulsions sexuelles, tout en leur révélant à elles-mêmes en quoi elles consistent fn 5 . La structuration qui s’instaure est celle d’une direction orientée par un en-face ailleurs, au-delà, polarisée par ce qui fait figure d’être son objet d’élection. La séduction exprime l’introduction d’une direction axée sur un objet de perspective en vue duquel se produit tout le mouvement d’avancée ou de recul qui anime la vie sexuelle. A partir du moment où il y a ainsi une orientation en direction d’un objet d’élection, comme celui auquel on aspire pour sa propre délectation, cette structuration en rapport à des objets (qui vont se différencier en pôles d’attraction excitante ou d’aversion répulsive, de concentration de l’intérêt ou du désintérêt, voire du dégoût et du rejet), cette structuration implique dès lors du même coup leur antipôle, là où s’engendre cette mouvance. Le mouvement dont le sens s’inverse est donc celui de tourner. Or on dit aussi que l’on peut tourner fou, justement sans la moindre orientation. Cette polarisation sur l’objet permet de tourner en se tournant vers, de prendre tournure en se dirigeant selon une direction déterminée et déterminante. Au sens le plus radical, inverser ce mouvement, c’est faire retour du pôle à l’antipôle. Le mouvement se fait alors “retournement sur la personne propre” (comme destin de la pulsion) ou repli sur soi-même, retrait en soi-même (comme destin de la libido dans le narcissisme), voire encore réduction de l’objet total à l’objet partiel. Et finalement, à l’extrême, il peut en revenir à une anobjectalité où il n’y a plus d’autre objet que celui de la pulsion.

Que l’inversion puisse également consister à intervertir, qu’est-ce à dire ? Une autre dimension de cette structuration nous est indiquée par le préfixe “inter” correspondant à la préposition “entre”. Celle-ci exprime deux choses : d’un côté, une répartition de positions discernées mais relatives les unes aux autres et les unes à l’égard des autres, positions situées en des lieux distincts mais en rapport l’une vis-à-vis de l’autre ou par rapport à une référence commune; d’un autre côté, “entre” exprime la relation comme telle et ce qu’il y a de mutuel et réciproque dans ce qui se passe ou s’échange de l’une à l’autre de ces positions. C’est justement là où il est question de positions relatives (dans une certaine structuration des rapports entre plusieurs éléments devant se relier les uns aux autres selon un certain ordre) que l’interversion est une opération qui dérange ou renverse cet ordre. Intervertir signifie déplacer, changer en renversant ou en retournant l’ordre primitif, c’est permuter. Que des interversions se produisent entre les sexes, celles-ci concernent, d’une part, le choix d’objet et les modèles qui y président, le fait que “prendre pour objet” peut se porter sur soi ou sur l’autre; d’autre part, le choix de sujet, l’identité pour laquelle l’intéressé se prend, l’identification à un rôle ou à une position relationnelle vis-à-vis d’autres.

Ainsi la permutation peut-elle opérer sur deux niveaux de relation. Tout d’abord l’interversion peut se produire entre les autres par rapport à soi-même, entre leurs rôles vis-à-vis de moi. Ainsi le modèle normatif qu’est la structuration oedipienne connaîtrait-il une variante dite “invertie” que Freud appelle le “complexe négatif” : le rôle du rival (auquel s’identifier) et le rôle d’objet convoité (à posséder sexuellement), le rôle d’objet d’amour et celui d’objet dont on souhaite prendre la place, ou sur le modèle duquel on désire s’identifier soi-même, sont intervertis dans une inversion entre le personnage masculin et le personnage féminin, ou entre le père et la mère. Mais cette structuration triadique ne relève pas de ce vecteur et les pathologies de celui-ci sont le plus souvent autant de manières d’éluder cette problématique oedipienne. En revanche, ce qui ressortit spécifiquement à ce vecteur c’est l’interversion entre l’autre et soi-même. Ainsi parle-t-on d’intervertir les rôles lorsque l’un prend, vis-à-vis d’autrui, le rôle ou la position qu’un autre aurait eu (ou aurait dû avoir) à l’endroit de l’intéressé. Un tel mécanisme peut se reconnaître dans l’identification à l’agresseur, dans le passage de séduit à séducteur ou d’aimé à amant. A propos de ce passage, on pourrait même considérer que le circuit du vecteur sexuel nous en retrace la trajectoire et les étapes du parcours. Un tel mécanisme se retrouverait également dans cette forme d’amour pédérastique où l’on adopte à l’intention d’un enfant (ou d’un adolescent) le rôle qu’aurait eu sa mère à son égard, ainsi que Freud l’a analysé à propos de l’homosexualité de Léonard de Vinci. C’est aimer à son tour, ainsi qu’on a été aimé par sa mère, un enfant qui tient donc le rôle qui avait été imparti au sujet, pris en objet de l’élection maternelle, mais rôle que le sujet abandonne en l’attribuant à cet enfant pour s’approprier celui qu’avait l’autre à son égard : il se fait l’agent actif de ce dont il aurait été l’objet passif et le sujet patient. Ce mécanisme est également celui selon lequel se tente le dépassement d’un traumatisme subi en le rejouant activement. Ce même mécanisme pourrait tout aussi bien se repérer comme à l’oeuvre dans la reconnaissance de soi dans le miroir et l’instauration du narcissisme spéculaire : l’intéressé ne se prend pour celui-là dans le miroir que dans la mesure où il y apparaît tel l’objet du désir maternel et il ne s’éprend ainsi de soi, dans cette image, de ce moi-objet, qu’en l’aimant à son tour et par ricochet, à la manière dont l’autre l’aime. De telles interversions de rôle entre soi et l’autre, tout autant que entre sujet agent et sujet patient de l’activité sexuelle, peuvent se jouer suivant divers scénarios, par exemple sadomasochistes. A la limite, l’interversion complète aboutit à la situation de Narcisse qui n’a d’autre objet d’amour que lui-même, prenant toute la place qui aurait pu être réservée à autrui. Ce retournement/remplacement consiste à se détourner de tout autre pour ne se tourner que sur soi, à n’avoir d’autre pôle d’aimance ou d’attraction que soi-même. Il peut se produire éventuellement par personne interposée : celle d’un semblable participant de la mêmeté et non de la différence ni de l’altérité. Ce que Freud appelle le choix d’objet narcissique : l’objet n’est choisi et investi que comme double de soi-même ou comme reproduction de l’image de soi.

DRAMATISATION DU SEXUEL

Ces quelques enjeux du vecteur qui nous occupe étant mis en évidence, venons-en à sa dramaturgie même telle qu’elle va se nouer et se dénouer suivant les dynamismes pulsionnels en jeu. Deux points sont à considérer : d’une part ce qu’on pourrait appeler la règle du jeu et d’autre part la définition des facteurs de ce jeu.

Change et échange

Pour formuler cette règle (au sens aussi d’un principe de fonctionnement fondamental et fondateur) je parlerais volontiers, en reprenant les termes proposés par la seconde partie de mon titre, d’une loi du change et de l’échange, tout comme le vecteur contact se caractériserait, lui par une loi, dont j’ai parlé ailleurs fn 6 , telle une loi de partage et d’appartenance. Tout ce qui vient d’être développé au sujet des axes et principes de formation des versions du sexuel le suggère déjà en pouvant s’entendre telles des variations sur l’échange. En outre, ces processus prennent également une portée économico-commerciale : celle d’opérations de versement ou de virement d’investissements pulsionnels, d’intérêts libidinaux et de valeurs narcissiques. Les actions de virer et de verser (dont est issu le substantif “version” qui est le commun dénominateur de toutes ces formes de la sexualité qui ont été évoquées) correspondent à des mouvements de fonds, capitalisés ou mis en circulation, portés au crédit de l’autre ou de soi-même, versés au compte de l’objet autre ou de la personne propre. Pour pouvoir s’engager en misant ses parts d’investissement, encore faut-il qu’au préalable l’intéressé dispose du change, bénéficie de gages de valeur et se rende dépositaire de l’agence même d’investisseur. Le sens de l’instauration-restauration du narcissisme est également celui de pourvoir à cette condition.

Si le change et l’échange évoquent, tous deux, une opération de substitution ou de remplacement (laquelle peut s’effectuer dans le sens d’un renoncement ou d’une persistance-restitution) cependant une différence les distingue : change exprime l’action de changer une chose contre, pour ou par une autre, voire la substitution d’une chose à une autre à la même place, ou la permutation d’une chose d’une place à l’autre; échange signifie l’action de donner une chose et d’en recevoir une autre en contrepartie. Ce qui est spécifique à l’échange, par contraste avec le simple change, c’est qu’il suppose l’intervention de deux personnes distinctes l’une de l’autre, donc la condition structurale de l’entre-deux, de la séparation de l’un et de l’autre, ainsi que le principe de réciprocité et de mutualité. L’échange présuppose, comme condition de possibilité, l’établissement d’une altérité et le fait d’avoir à se produire avec quelqu’un d’autre que soi. L’articulation entre le change d’objets et l’échange entre sujets, Freud en a repéré le moment inaugural, dont j’ai pu dire ailleurs (1991) qu’il me semblait situer également le seuil critique de passage d’une logique contactuelle à une logique sexuelle ainsi que l’introduction au régime de l’objectalité. On peut, en effet, lire en ce sens ce passage des “Trois essais” où Freud évoque, telle la perte de l’objet, le moment où le nourrisson reconnaît le sein pour ce qu’il est, à savoir l’objet devenu partiel appartenant à l’objet total que devient la mère reconnue comme personne à part entière, donc à part de soi-même. Dès lors il s’avère que jouir du sein se fondait sur un don et consistait à le recevoir de la part de l’autre qui le prêtait à son gré, selon son désir. Pour pouvoir encore en disposer, sans plus jamais pouvoir emporter le tout du morceau, il s’agit maintenant de le demander, de le négocier, de courir les risques de l’échange : ceux d’une entente mutuelle et réciproque. Pour en jouir désormais, il faut le demander. Or justement, demander est l’une des façons d’exprimer la tendance initiale (h+) du vecteur S .

Mais ainsi que l’attestent diverses figures de la psychopathologie sexuelle, cette articulation du change et de l’échange peut connaître des formes de dislocation ou des tentative de réduction des distinctions à l’oeuvre. Ainsi par exemple, d’objet total, la personne de l’autre peut se faire ravaler ou rabaisser (pour reprendre un terme utilisé par Freud dans l’une de ses “contributions à la psychologie amoureuse” fn 7) du titre de partenaire au statut d’un éventaire d’objets partiels pour des buts tout aussi partiels, ou d’un découpage en morceaux choisis comme instruments de mon bon plaisir pour ma seule satisfaction. L’écrivain homosexuel R. Camus l’évoque en une formule plaisante dans son journal lors d’un séjour à la villa Médicis. En voici un extrait où il stigmatise les pratiques des autochtones : «Les Romains ont une sexualité tout “analytique” de figures répertoriables isolées (je t’encule, tu m’encules, je te suce, etc.), qui jamais ne se fondent en l’effusion qui est tout ce que j’aime. Ils font l’amour comme jadis on se lavait à la campagne, par petits morceaux : j’aime mieux prendre un bain. Sexualité d’au-dessous de la ceinture, qui non seulement paraît n’être liée à aucune sympathie, aucune chaleur, aucun humour, mais même, très fréquemment, se double d’une sorte d’animosité pour le partenaire, nécessaire et fâcheux instrument d’un plaisir qui ne lui donne aucun droit.» (1989, p. 321). Dans le sens de cette animosité, ailleurs (1987, p. 385), il dénonce «cette affreuse sexualité de la haine de soi qui règne ici, et du mépris de l’autre, et de l’hostilité à son endroit parce qu’il est comme soi, c’est-à-dire comme on ne veut pas être.» Par ailleurs, autre avatar pathologique : la relation duelle peut se produire sur le modèle narcissique du rapport spéculaire où l’un se redouble en l’autre son semblable. Le mythe de l’androgyne d’Aristophane illustre un partenariat de l’ordre du complément où chaque un, moitié de l’autre, s’en complète pour faire un-à-deux et pour ensemble n’être qu’un, ou inflativement les deux-à-la-fois, restaurant par là même quelque chose de l’union fusionnelle incestueuse des origines. Traiter l’autre en complément d’objet pour la mise en pratique des actions spécifiques propres à me satisfaire revient à supprimer l’altérité foncière d’autrui. La situation de séduction, tel son prototype qu’est le rapport mère-enfant, peut se boucler sur ce duo à l’exclusion de toute instance tierce, en se fermant à toute structuration triadique.

Drame en quatre “actes”

Venons-en aux facteurs pulsionnels selon lesquels se joue cette partie carrée et se traitent donc les problématiques en cause.

A l’instigation de J. Schotte, nous avons pris l’habitude de ressaisir le sens des tendances, ou motions, pulsionnelles élémentaires par des verbes d’action à l’infinitif, aptes à dire les dynamismes processuels, sans déjà préjuger des voix actives, passives ou pronominales selon lesquelles ils tendent électivement à s’actualiser. Sans préjuger davantage de ce qu’il en advient du sujet et de l’objet dans leur mise en oeuvre. En effet, le fonctionnement de ces verbes est d’abord saisissable en deçà de leur articulation éventuelle à des compléments objectaux et de leur attribution à un sujet. Par rapport au processus verbal en cause, le si bien dit inter-essé, partagé et distendu entre tensions en sens divers, pourra être sujet à, sujet de, ou objet de la part d’un autre sujet, comme il pourra passer d’une position à l’autre. Ce même verbe est susceptible de s’effectuer sous les espèces soit d’un procès en cours, d’une tendance en mouvement, soit d’une position établie, fermement campée, contraignante, d’une situation stabilisée et immobilisée. La personne peut en être l’agent, le siège ou la proie passive, voire l’agi en automate, machine sous influence activée par les machinations d’agences étrangères. Les registres distincts de manifestation où se dramatise cette action peuvent se diversifier et se discerner, allant des comportements extérieurs de mise en acte aux interactions interpersonnelles, de l’espace du jeu ou des créations culturelles à l’ “autre scène” proprement mentale et aux divers lieux de la topique intrapsychique. Mais ces registres eux-mêmes sont susceptibles de séparation autant que de recouvrement, voire de confusion.

Entamons donc notre parcours du circuit par la radical h+. Un verbe majeur pour formuler ce dynamisme est celui de “demander. Demander c’est prendre acte de cette loi du change et de l’échange en faisant des avances à l’autre en vue d’en obtenir ce qu’il est censé pouvoir accorder. C’est également prendre part au jeu de la séduction induit par l’autre et mettre en gage des valeurs d’ordre narcissique. Demander n’est jamais que déjà répondre à une offre présupposée de la part du destinataire. La position inverse complémentaire, inscrite à l’arrière-plan théorique et laissée à l’autre, est celle du don (h-). Chez le tout petit le destinataire de l’appel prend volontiers la figure du fantasme de la mère toute-puissante, dispensatrice à son seul gré de tous les biens et de tous les plaisirs, figure qui ne manque pas d’être anxiogène. Comme l’a bien analysé P. Aulagnier (1968), la demande ne survient qu’en raison d’une offre préalable et ce préalable est logique autant que chronologique. A l’origine, c’est la mère qui, outre son rôle de séductrice attitrée, interprète (et l’on sait de quelle violence peut se charger une telle interprétation selon cet auteur) les cris de son “infans” comme une demande qui la concerne. Et cette interprétation ne peut que dépendre de son désir à elle, désir dont elle investit ce maternage, désir dans lequel l’enfant se trouve d’emblée capté, au risque d’en rester captif. M. Schneider (1981) développe cette situation comme suit : « Où situer l’impuissance et la détresse de l’enfant ? Ce serait réduire considérablement la gravité de cet état de dépossession radicale que d’interpréter l’impuissance en la situant uniquement sur un registre pratique : l’impossibilité pour l’enfant de s’allaiter lui-même. Dans la mesure où l’enjeu n’est pas seulement la satisfaction, mais la “compréhension mutuelle”, il faut voir l’enfant comme privé non seulement de la nourriture devant être apportée de l’extérieur, mais tout aussi bien de la signification éventuellement attachée à ses cris. Selon la lecture effectuée par l’entourage, les cris pourront être porteurs des significations les plus diverses (...). Faut-il dire que, selon ces diverses interprétations, le cri de l’enfant se trouvera compris ou incompris ? Ce serait prêter à cette manifestation originelle de vie une signification spécifique, comme si, faute d’être propriétaire d’instruments, le nouveau-né était tout au moins propriétaire de significations préformées. Or il est possible que cette pseudo-signification soit injectée du dehors à l’enfant, promu comme porteur d’affects différenciés, de messages qualifiés, alors que le cri originaire peut être volonté pure d’arrachement à soi, gesticulation éperdue pour s’ôter à soi-même la faculté d’éprouver. Apaiser l’enfant, ce n’est pas répondre à son appel, mais lui prodiguer, par un effet de choc en retour ou d’après-coup fondateur, un appel différencié, un affect pourvu d’un visage propre» (p.191). Dans cette dite injection du dehors ou ingérence intrusive et inductrice peut se reconnaître à nouveau la structure de la séduction.

Au delà de ce prototype, P. Aulagnier (1968) énonce cette règle générale que tout demandeur «formule une demande conforme à l’offre, non pas [nécessairement] dans une tentative consciente de séduction, mais pour la raison majeure que toute demande (qu’on attende en réponse le oui ou le non) implique, chez le demandeur, la connaissance (imaginaire) de ce qu’est l’objet de désir de celui à qui elle s’adresse. La vérification du bien-fondé de cette connaissance est la fonction même de la demande.» (p. 25 ou 163). Etre en demande, tout en restant dans l’attente, ou se porter demandeur à l’adresse de l’autre, c’est solliciter son intérêt selon le voeu de faire de ce qui me regarde ce qui devrait le regarder : c’est l’en saisir, le faire me regarder en et pour ce qui me concerne, afin qu’il me prenne en considération quant à ce qui m’intéresse. C’est donc se proposer en objet pour l’autre dans la tentative et la tentation séductrices de se conformer à l’offre supposée de l’autre, mais aussi désirée de sa part; c’est se présenter en objet de son désir présumé, tel qu’on se le représente imaginairement, en désirant en être l’unique objet, donc irremplaçable, chéri de tout son amour.

Que, au fait même de demander, préside un fantasme de séduction, qu’il s’agisse d’un fantasme originaire, celui de la série des fantasmes originaires freudiens que nous estimons congénial avec ce vecteur, cela rejoint l’hypothèse de Laplanche et Pontalis qui proposent (1967) d’y voir «la traduction d’une donnée fondamentale : le fait que la sexualité de l’enfant est tout entière structurée par quelque chose qui lui vient comme de l’extérieur» soit donc «une donnée structurale qui ne pourrait être transposée historiquement que sous la forme d’un mythe.» (p. 439). Rendant compte de l’énigme de l’apparition de la sexualité, il est significatif que ce fantasme la figure telle l’intervention d’un objet extérieur qui s’impose à l’intéressé de façon intrusive et introduit en lui cette sexualité. Celle-ci ne deviendrait véritablement telle, ne se constituerait en vie sexuelle du sujet, qu’avec l’intervention de ces pôles d’attraction : qu’avec une structuration en un monde d’objets où se pose, dès lors, la question du choix d’objet, tout en instaurant tant le désir d’être l’objet élu d’un autre, d’être désiré par et pour un autre, que le désir d’un autre comme objet élu pour soi. Et ce n’est qu’en fonction et à la mesure de ce double désir que l’intéressé pourra s’investir comme objet d’amour pour lui-même, à la façon dont il l’est pour l’autre, première façon de s’obtenir lui tel un moi. Le propre de la sexualité serait donc de se vivre et de se révéler, de prime abord, à partir de l’autre, de l’effet qu’il me fait, de l’action et du pouvoir qu’il exerce sur moi (action allant de l’attraction à des actes concrets). Cette expérience est représentée en fantasme comme celle d’une sujétion à une action dont un autre est le sujet et dont soi-même constitue l’objet. A cet agent autre, l’intéressé pourra alors prétendre s’identifier à son tour pour reprendre l’action à partir de soi, à la place de l’autre, en se positionnant au lieu de l’initiative, ne fût-ce qu’en commençant par solliciter au moyen de sa demande . Si le fantasme originaire de séduction exprime bien un mode de structuration, celui de l’objectalité et de l’objectification, cette structure de la séduction nous révèle la forme selon laquelle s’articule un double rapport tant à l’autre qu’à soi. En effet, d’un côté, la séduction concerne un rapport à l’altérité et ceci dans un double sens : 1° rapport à un autre que soi, à autrui qui a la puissance d’agir sur soi telle une agence étrangère; 2° rapport à l’autre de soi, à ce qui vient altérer ego en le sexuant et en le sexualisant (et nous serions renvoyés ici à ce conflit que Freud a repéré comme se jouant entre le moi et la sexualité, entre les pulsions d’autoconservation du moi et les pulsions sexuelles, de sorte qu’il s’agira pour le moi de s’approprier cette sexualité et de s’y approprier introjectivement). D’un autre côté, la séduction est aussi articulatoire d’un rapport à soi dans la mesure où ce rapport peut se qualifier de narcissique : l’investissement de soi comme objet d’amour, le stade du miroir, l’identification au modèle du semblable se produisent selon cette même structure.

Passons au deuxième dynamisme pulsionnel symbolisé par s- . Comment le définir ? Donnons-nous tout d’abord quelques repères consacrés par l’usage. Szondi parle d’un besoin de passivité et le désigne comme le ressort de la position masochiste. Il l’inscrit dans le système tel un radical à part entière, sui generis, antagoniste de la racine du sadisme et tendant en sens contraire. Cette inscription tranche donc le débat d’une dérivation éventuelle de l’un des contraires à partir de l’autre. S. Déri (1991) observe cette réacton s- chez «les enfants qui sont “trop” gentils et qui essayent trop de plaire aux adultes» (p.67). Plaire : se faire objet, cause, source et instrument de plaisir. J. Mélon (1990) formule la mouvance du radical et son entreprise par le verbe subir. Une proposition plus ancienne de J. Schotte (1972) remonte à l’aube de la théorie des circuits et se montrait soucieuse d’inscrire ce mécanisme dans la dialectique de la demande et du don. Il avait suggéré le verbe refuser. Ce choix s’argumentait de «l’observation courante, que les patients les plus taiseux qu’on puisse avoir en analyse sont ceux qui ont S0- , c’est-à-dire les masochistes dans le langage psychiatrique, mais dans le langage pulsionnel ce sont ceux qui vous refusent la parole, qui vous refusent la leur et la vôtre en même temps, ils ne réagissent absolument pas, ils font boule sur eux-mêmes (...). Le refus se trouve dans un certain rapport avec la fonction s- .» (pp. 171-172). Pointons déjà ici une possible contradiction dans le fait de définir cette fonction à la fois par “subir” et par “refuser”, dans la mesure où l’une des acceptions de subir est : accepter, supporter. De même lorsque J. Mélon formule le sens du clivage diagonal h+s- par le verbe “languir”, remarquons que celui-ci est également susceptible d’exprimer une attente impatiente de ce dont on éprouve vivement le désir, soit une façon de se consumer d’impatience et cette non patience nie aussi, ou récuse, un certain subir. Des développements ultérieurs de la théorie nous conduiraient à devoir envisager cette position comme la plus proprement sexuelle, actualisant les spécificités du vecteur “au carré” en quelque sorte, mais aussi comme un temps, dans le parcours du circuit, de retournement sur la personne propre. Aussi ce processus se déroulerait-il électivement à la voix moyenne. En référence à la structure de la séduction, cette position paraît bien oeuvrer dans le même axe (ou la même direction de sens) que la demande et contribuer à un certain accomplissement de l’entreprise en cause. Mais cette position s’inscrit également dans l’axe vertical d’une autre orientation : ce point d’aboutissement est aussi un pivot à partir duquel s’opère un renversement de sens et de direction, en quoi nous retrouvons le sens premier de pervertir.

Subir (littéralement aller, ou venir, sous) peut s’entendre comme consacrant, par consentement ou reprise à son compte, ce sort imparti dans la séduction : à savoir cet état d’objet sur lequel s’exerce l’action et le pouvoir d’une agence étrangère, objet dont la puissance propre consisterait en celle de supporter, d’endurer, de recevoir, de résister (ce qui peut s’entendre aussi au sens de faire de la résistance active ou par la force de l’inertie). Se soumettre de soi-même, s’assujettir en adoptant une attitude passive, très activement soutenue, ou la fonction de patient, se proposer en objet pour l’autrui, voilà qui paraît bien accomplir une intention de la demande. Par consentement, disais-je, c’est-à-dire en s’offrant à cette fin mais dans une visée auto-appropriative. Souvenons-nous que Szondi fait du masochisme une perversion introjective. Mais agir ainsi, en quoi est-ce aussi se faire agent dans et de la séduction ?

Séduire, étymologiquement, veut dire mener à part et à l’écart. De là il s’emploie pour dire : 1° détourner pour dévoyer ou pervertir, abuser, égarer; 2° gagner quelqu’un à ses propres fins, avec l’intention de créer l’illusion, en employant tous les moyens de plaire, et la conquête en cause consiste à appâter, attirer dans ses filets; 3° finalement l’idée de créer ou d’entretenir l’illusion disparaît devant la toute-puissance du plaire et le charme suffit pour attirer et captiver. Séduction signifie tout à tour détournement et ascendant ou prestige. Or ce recours à l’illusion, à la tromperie (dont un enjeu essentiel est la puissance de pouvoir ou non s’en passer, d’en surpasser la nécessité) peut se formuler par l’expression “donner le change à quelqu’un. Ce qui signifie l’induire en erreur en lui faisant prendre une chose pour une autre, ou pour ce qu’elle n’est pas. Nous retrouvons donc le mécanisme de la substitution. L’origine de l’expression est tout à fait intéressante : il appartient au vocabulaire de la chasse où il désigne un comportement à l’actif.... de la proie justement. Cl. Duneton (1978) l’explicite en ces termes : «Parmi les ruses dont dispose la bête pour essayer de sauver sa peau, détours, retours sur la piste, traversées de rivières, etc, l’une des plus subtiles est le “change” [citant Furetière] : “change, en terme de vénerie, se dit quand des chiens qui poursuivaient un cerf ou quelque gibier, le quittent pour courir après un autre qui se présente devant eux. Un vieux cerf donne le change et laisse son écuyer à la place. On le dit aussi du lièvre lorsqu’il se dérobe des chiens et leur donne à courre quelque autre lièvre que lui. (...) On dit figurément qu’un homme a pris le change, qu’on lui a donné le change, quand on l’a fait quitter quelque bonne affaire pour en poursuivre une autre qui lui est moins avantageuse”. [Et Cl. Duneton de commenter :] Pratique courante, assurément. Mais il faut reconnaître que l’on peut quelque fois “gagner au change” !» (p. 135).

A propos de s- Szondi parle de “don de soi”, S. Déri de mise au service et à disposition, et cette tendance à se livrer et s’exposer ne manque pas de connotations persécutives ni d’angoisse paranoïde. Cependant plutôt que de don, il vaudrait mieux parler d’un “se prêter” car il comporte une part corrélative de résistance, de repli ou retrait ou recul ou retranchement en soi, autocentrés, voire même d’enfoncement au dedans de soi, en sa substance propre. Le pouvoir de s’offrir est aussi celui de se refuser. “Subir” situe en position d’avoir à recevoir mais suppose aussi la capacité de supporter et la possibilité d’affirmer/opposer une fin de non-recevoir. Le prêt d’un objet à l’usage de l’autre appartient sans doute au registre de l’échange de bons procédés, mais il n’est que temporaire et il implique une restitution, l’obligation de rendre. Se prêter à quelqu’action par l’autre ou se prêter en objet pour quelqu’usage ou désir de sa part, c’est une mise à disposition limitée dans le temps et corrélative d’une réserve soustraite à son empire. Se prêter en objet revient à se refuser en tant que sujet. C’est aussi se dérober en s’assurant, jusque dans l’épreuve endurée et par elle, de cette part de soi à jamais inaliénable. S’y expérimente et se prouve ce dont l’autre, et donc nul autre que soi, n’aura jamais le pouvoir de s’approprier : ce qui dans la plus complète dépossession de la condition d’objet reste au seul pouvoir du sujet. Ce plaisir de subir confirme l’exercice d’un pouvoir propre. Si la position de demandeur vous met au pouvoir d’un autre censé capable d’accorder ce qui lui est demandé et tend à l’attitude de s’en remettre aux pouvoir et bon vouloir de cet autre, obtenir satisfaction de lui se fait aussi la manifestation d’un pouvoir exercé sur lui.

En passant à la position antagoniste, il importe tout d’abord d’insister sur le couple d’opposés qu’elle forme avec son contraire. Cette corrélativité interne en fait des positions interchangeables qui peuvent se distribuer de façon inverse entre soi et l’autre, entre sujet et objet de l’action, entre action agie à la voie active et à la voix passive, finalement entre dramatisation en acte dans la pratique effective et celle sur la scène du fantasme. Dans ces interversions oeuvrent des processus identificatoires. Rappelons quelques propositions freudiennes sur ce thème. Extraites tout d’abord des “Trois essais” (1962) : «Un sadique est toujours en même temps un masochiste, ce qui n’empêche pas que le côté actif ou le côté passif de la perversion puisse prédominer et caractériser l’activité sexuelle qui prévaut.» (p. 46). En ce qui concerne la portée pathoanalytique de ce couple : «Le sadisme et le masochisme occupent, parmi les autres perversions, une place spéciale. L’activité et la passivité qui en forment les caractères fondamentaux et opposés sont constitutifs de la vie sexuelle en général.» (p. 45). Dans “Pulsions et destins des pulsions”, Freud (1968) écrit que là où il y a comportement masochiste, «le moi passif se met fantasmatiquement à la place de l’agent, place qui est maintenant cédée au sujet étranger» (p.27). Tandis que là où il y a comportement sadique «en infligeant des douleurs à d’autres, on jouit soi-même de façon masochiste dans l’identification avec l’objet qui souffre.» (p.28). En ce passage de s- à s+ J. Mélon (1990, p.112) repère un «saut du narcissisme à l’objectalité», d’une séduction autocentrée à une séduction allocentrée, d’un “être séduit” et “se faire séduire” à la mise en oeuvre d’un “avoir à conquérir” en acte, où la part de la séduction pourra connaître diverses vicissitudes. On y verra aussi la reprise à son compte de l’initiative de l’entreprise. Les propositions de définition de la tendance s+ utilisent le verbes “dominer” (J. Mélon) ou “prendre” (J. Schotte) mais prendre tel qu’il s’utilise dans la construction où il s’agit de “prendre (un être ou une chose) à ... ou par ...” donc d’exercer une emprise prédatrice, ou une mainmise accaparante ou manipulatrice, sur ce qui en devient ainsi l’objet. Tentative de s’emparer complètement de l’objet total par quelqu’objet partiel, en l’expropriant de son altérité ou de sa différence foncière d’autre sujet. Il s’agit d’exercer une prise (donc un certain pouvoir qui prétend au totalitarisme) sur ce qui s’en trouve ainsi traité en objet, pris comme objet, objectifié et réduit à cette objectité, maniable et malléable à loisir. C’est donc prendre au sens de “prendre quelque chose à quelqu’un” ou de “prendre quelqu’un à quelque chose” (les propres pièges du prédateur) ou “par quelque chose” (les fragilités, les sentiments... de celui qui se fait avoir). C’est également prendre quelqu’un au point de le ravir à lui-même, de l’arracher à soi, de le déposséder de lui-même : le prendre en objet revient à le destituer comme sujet. C’est aussi le prendre pour... : pour certaines visées et certains usages propres au prédateur, pour certaines pratiques que ce dernier se propose d’effectuer sur et au moyen de cet objet.

Si nous revenons, un instant, de ce point de vue, sur la position s- , celle-ci correspond à une façon de se positionner, ou de se montrer, comme non-preneur (façon de s’afficher : dans le profil classique du masochisme, s- est corrélatif de hy+). Se contenter de recevoir le don (faire en sorte d’avoir à le recevoir, en provoquer l’avance) peut être une façon de se refuser à répondre, ou à se proposer en demandeur tout autant qu’en preneur. Ceci rejoint aussi ce qui a été dit sur le fait que se prêter en objet à/pour l’autre peut prendre le sens de se réserver ou de se refuser en tant que sujet. Façon de se prêter pour ne rien donner soi-même, de se prêter à ce que ce soit l’autre qui prenne, de lui-même, ce que lui désire et selon son désir, mais tout en démontrant bien soi-même que l’on n’y est pour rien : tout est l’affaire de l’autre... suscité à cet effet.

Revenons à la réaction s+ comme facteur pulsionnel d’emprise. Emprise s’emparant par force en dépossédant l’autre, on peut y reconnaître ce que Freud appelait “Bemächtigungstrieb”. R. Dorey (1981) précise la signification de l’emprise dans les termes suivants : «Le premier sens repérable est celui qui (...) évoque l’idée de prise, de capture ou encore de saisie. C’est d’ailleurs la signification ancienne du mot emprise, lequel, au XVIIe siècle, en langage juridique, désignait l’action de prendre des terrains par expropriation; plus spécialement encore, il était utilisé pour rendre compte d’une atteinte portée à la propriété privée à la suite d’un acte administratif illégal. Au niveau interpersonnel il s’agit donc d’une action d’appropriation par dépossession de l’autre; c’est une mainmise, une confiscation représentant une violence infligée et subie qui porte préjudice à autrui par empiètement sur son domaine privé, c’est-à-dire par réduction de sa liberté.

La deuxième dimension, inséparable de la précédente et qui pourtant doit en être clairement distinguée est celle de la domination (...) ce deuxième courant sémantique fait référence à l’exercice d’un pouvoir suprême, dominateur, voire tyrannique par lequel l’autre se sent subjugué, contrôlé, manipulé, en tout état de cause maintenu dans un état de soumission et de dépendance plus ou moins avancé.

Enfin, un troisième type de signification (...) [concerne] l’inscription d’une trace, l’impression d’une marque. Celui qui exerce son emprise grave son empreinte sur l’autre, y dessine sa propre figure. (...)

Dans la relation d’emprise il s’agit toujours et très électivement d’une atteinte portée à l’autre en tant que sujet désirant qui, comme tel, est caractérisé par sa singularité, par sa spécificité propre. (...) L’emprise traduit donc cette tendance très fondamentale à la neutralisation du désir d’autrui, c’est-à-dire à la réduction de toute altérité, de toute différence, à l’abolition de toute spécificité; la visée étant de ramener l’autre à la fonction et au statut d’objet entièrement assimilable.» (pp. 117-118).

Repensons également à la logique évoquée plus haut d’un fonctionnement où la dualité se boucle sur elle-même jusqu’à reconstituer un être-un-à-deux et cela par exclusion de toute référence à un tiers et par blocage sur la voie de la reconnaissance de la structuration triadique comme condition de possibilité du lien (amoureux), structure qui s’imposerait avec la mise en place du triangle oedipien. De ce point de vue, ce rapt de l’autre à lui-même peut s’entendre également telle une soustraction à toute autre référence possible d’autrui à un tiers (dans une relation d’appartenance, de filiation ou de partenariat) rapport au tiers vis-à-vis duquel on se retrouve en position de rivalité. Comme l’on sait, pour pouvoir convoler en justes noces, il s’agit de demander la main non seulement à l’intéressée mais aussi à son père. Ces accordailles consacrent sans doute la séduction du prétendant mais elles articulent une triple donation : si la sollicitée se donne, on la reçoit également de son père (auquel il appartient d’accorder ou de refuser, selon une loi d’échange) et on l’obtient contre tout autre compétiteur potentiel. Conquérir l’autre comme partenaire ne se joue donc pas seulement à deux mais revient à l’obtenir par rapport à et auprès des pairs et d’un père. La conquête l’emporte sur ces rivaux que sont aussi bien le père oedipien, les autres prétendants qui le relaient, les modèles idéaux de partenaire dans le chef de l’intéressée, que finalement celui qui représente l’instance qui autorise et légitime, en exerçant le droit d’accorder ou de refuser. Arracher l’autre à lui-même et à sa condition de sujet, dans sa réduction à l’objet, consiste aussi en un rapt qui récuse, du même coup, l’existence du tiers et de la triangulation.

Selon Szondi c’est à l’intervention du facteur moiïque de l’avoir (k) et à son destin spécifiquement pervers que le sadique doit que ce besoin d’emprise s’exerce et se pratique selon une exigence extrême de concrétude factuelle, de certitude tangible, de réalisation matérielle, d’actualisation sur un matériau malléable et manipulable à souhait, totalement conformable à mon seul gré. Tandis que c’est la position négative dans ce facteur (k-) qui lui donnerait l’orientation destructrice caractéristique. Ainsi le Marquis de Sade écrit-il cette déclaration de Bressac à Justine : « Le pouvoir de détruire n’est pas accordé à l’homme; il a tout au plus celui de varier les formes, mais il n’a pas celui de les anéantir. Or toute forme est égale aux yeux de la nature; rien ne se perd dans le creuset immense où ses variations s’exécutent : toutes les portions de matière qui y tombent en rejaillissent incessamment sous d’autres figures (...). Et qu’importe à sa main créatrice que cette masse de chair, conformant aujourd’hui l’individu bipède, se produise demain sous la forme de mille insectes différents ? » fn 8 J. Chasseguet-Smirgel (1984) a proposé une lecture de l’oeuvre sadienne en l’envisageant telle une entreprise de transmutation de la réalité par rupture de toutes les limites, par mélange des catégories, par suppression de tous les codes et des systèmes de classe, par abolition des différences entre parties du corps, entre sexes, entre générations, entre règnes du vivant etc., par destruction des formes instituantes ainsi que des corps constitués, ceci dans une entreprise visant à tout réduire à l’état de matériau, alors malléable à souhait, aux fins d’une tentative démiurgique qui soit en mesure d’opérer toutes les transformations imaginables au gré du désir.

Finalement pour définir la position h- nous en resterons à deux brèves indications. La série de verbes s’inscrivant dans la ligne du “demander” conduit à proposer celui de “donner”, tandis que par contraste avec s+ selon l’axe diagonal on pourrait parler de maîtrise et non plus d’emprise, en entendant maîtrise au sens de la maîtrise de soi ou du maître du jeu. Plutôt qu’au démiurge de type sadien, c’est à l’auteur créateur qu’on aurait affaire. En langage kleinien, en passant de s+ à h- on passerait de l’avidité à la réparation, on pourrait dire aussi à la réhabilitation narcissique.

A l’autre extrême du circuit sexuel, dans un contre-investissement de la position de demandeur, par refus de reconnaître la nécessité de demander, donner peut prétendre signifier ne rien avoir à demander mais, au contraire, avoir tout à offrir et jouir de la puissance de dépenser. Ce qui correspond à une manière de se faire sujet pour un autre, lequel devient l’objet de sa générosité et le bénéficiaire de ce que l’on a à lui donner, tout en ayant en son propre pouvoir de le faire. Occuper cette position peut correspondre à une manière de jouer, avec magnificence, les grands seigneurs c’est-à-dire de s’attribuer, à son tour, le rôle qu’avait la mère dispensatrice toute-puissante de tous les biens. Ces cadeaux et ces bienfaits sont susceptibles d’obliger le bénéficiaire, de se l’attacher et de se l’assujettir en tant que redevable et endetté. Distribuer ainsi, en donateur toujours capable de dépenser pour son compte et de dispenser aux autres, c’est aussi, à la fois, refuser d’avoir à dépendre de l’autre, à lui devoir quoi que ce soit, mais rendre d’autres dépendants de soi. Un tel don ne s’inscrit plus dans une loi d’échange mais se veut plutôt une tentative de l’annuler ou de n’y occuper qu’une position de maîtrise, de détachement à l’égard de ses possessions, de souveraineté régnant au-dessus de la loi. Ainsi dispenser ses bienfaits n’a rien d’un partage ni d’un engagement dans la réciprocité : prendre la position d’un distributeur unilatéral et tout-puissant dispense du même coup d’avoir à recevoir. L’endettement et la redevabilité sont mis à sens unique : c’est la condition du seul bénéficiaire, lequel se retrouve ainsi inféodé. C’est récuser la loi de réciprocité qui préside à l’échange ainsi que M. Mauss (1968) l’a mise en évidence dans son “Essai sur le don” en partant de l’analyse de cette forme de donation si singulière qu’est le “potlatch”. Il montre que l’apparente gratuité de cette maîtrise généreuse donne le change quant au système d’obligations où s’inscrit un tel don. Il considèrera qu’une loi de réciprocité y préside, telle que s’articulent l’obligation de donner corrélative de l’obligation de recevoir laquelle doit elle-même se renverser dans l’obligation de rendre, ce qui fait tourner tout le système de l’échange. Ainsi donc l’impératif de rendre (et toute cette partie s’est ouverte, rappelons-le, par l’obligation de rendre, de rétrocéder le sein à qui de droit comme légitime propriétaire) exprime la réciprocité entre donner et recevoir : s’il y a lieu de rendre, c’est qu’il y a eu au préalable un déjà donné qu’on a reçu. Demander c’est se retrouver pris et engagé dans un tel système dont le principe de fonctionnement est la loi de réciprocité ou de l’échange. Mais pour que le jeu ne se boucle pas sur lui-même, encore faut-il que l’obligation de rendre n’enferme pas dans une dette à l’égard de la donatrice-séductrice des origines mais s’ouvre sur la triangulation oedipienne autant que sur l’exogamie.

Donner peut également marquer un certain dépassement du narcissisme en tant qu’acte fondamental de reconnaissance mutuelle. P. Kammerer (1992) cite cette observation de N. Yvert à propos des bébés «que leur plaisir c’est de donner et qu’il leur est nécessaire d’avoir quelqu’un qui peut recevoir avec bonheur ce qu’ils ont à donner» (p.59). Lui-même écrit : «C’est par la possibilité de donner à son tour à ceux qui l’accueillent que l’enfant, contraint par son histoire à être assisté, échappera à l’humiliation, sauvera l’estime de lui-même car elle passe par la place à accepter et à garder dans l’échange. Si la condition d’assisté ne lui a donné aucun “savoir-faire”, aucun “pouvoir-faire” pour les autres, l’image qui lui sera renvoyée par ceux-ci sera négative. Il devra s’en défendre par la revendication (“encore plus d’assistance !”) sur un fond de persécution lié au sentiment d’incapacité et d’impuissance personnelle.

Le don est peut-être ce qui nous préserve le mieux des souffrances de la perte. Pardonner, c’est perdurer en donnant, et c’est plus supportable, pour le narcissisme, de vivre dans le don et dans le pardon que dans la dépossession et l’abandon qui laissent en proie à l’avidité.» (p. 70).

Parler de maîtrise peut s’entendre au sens de celle que tente, par son jeu, l’enfant à la bobine pour parvenir à supporter et à surmonter une situation de traumatisme à subir, en se faisant l’auteur de l’invention d’une élaboration propre astucieuse. Pour la différencier nettement de l’emprise, R. Dorey (1981) propose «que l’activité de maîtrise est assimilable au fonctionnement d’un système ouvert, adaptatif, producteur de différenciation alors que la relation d’emprise sur l’objet est analogue à un système clos, homéostasique, à visée conservatrice. Pour qu’il y ait maîtrise, il faut qu’il y ait renoncement à l’objet originairement satisfaisant, donc aptitude à la reconnaissance de l’autre en tant qu’autre. A l’opposé, l’emprise apparaît comme l’exact contraire du renoncement puisqu’elle est domination et appropriation totalitaire de cet objet, ce qui suppose (...) que l’autre comme tel soit nié. (...) la relation d’emprise apparaît chaque fois que la maîtrise s’avère impossible ou du moins trop coûteuse pour l’économie psychique du sujet.» (pp. 138-139).

Au terme du parcours annoncé, bien des questions restent en suspens et en appelleraient à la poursuite de la démarche dans plusieurs directions : non seulement continuer l’exploration du sens des radicaux pulsionnels, à travers ces ressorts du drame en acte qu’expriment des verbes pertinents (ainsi que nous avions pu nous y employer également à propos du contact — cfr. Kinable 1984, pp. 154 à 241); mais aussi en venir à examiner le déploiement de ces significations en fonction de l’articulation de ces processus entre eux, selon les formes de composition possibles que figurent les “clivages” répertoriés. Pour procéder à un tel examen s’imposerait la reprise des formulations si parlantes proposées par J. Mélon (1990, cfr. leur mise en tableau p. 72). En outre, dans la ligne, seulement évoquée, de cette issue de la dramaturgie en cause susceptible de se bloquer dans quelque fermeture sur elle-même ou de se dépasser dans une ouverture à un autre registre, nous serions invités à analyser davantage ce qu’on pourrait appeler le “passage au vecteur P. Mais en guise de conclusion, ne faudrait-il pas considérer qu’une telle dialectique d’ouverture-fermeture est décelable dans la tension même entre change et échange ? Il s’agirait ici de penser plus avant le rapport entre ces deux processus, ressaisis dans leurs logiques spécifiques, pour montrer en quoi ils diffèrent fondamentalement. Dès lors, toute tentative de ramener l’échange au change pourrait bien s’avérer consister en un... pervertissement. Reprendre la problématique du don (essence de l’échange) dans cette perspective serait tout à fait indiqué , en s’inspirant notamment des travaux de J.T. Godbout (1992). Pour notre propos paraît particulièrement suggestive l’insistance mise par cet auteur à marquer comment la logique du don, au principe de l’échange, ne peut se réduire à celle de l’interaction marchande, conforme à la seule règle du change. Ainsi invite-t-il à «concevoir le don comme formant système, et ce système n’est rien d’autre que le système social en tant que tel. Le don constitue le système des relations proprement sociales en tant que celles-ci sont irréductibles aux relations d’intérêt économique ou de pouvoir. » (p. 23). Or, «ce qui caractérise la modernité, ce n’est pas tant la négation des liens (...) que la tentation constante de les réduire pratiquement à l’univers marchand ou alors de penser les liens et le marché de façon isolée, comme deux mondes imperméables, mais dont le premier, au contact avec le second, est toujours contaminé et finalement soumis à lui. On n’arrive pas à les penser ensemble. (...) La seule façon pour la modernité de “sauver” les liens de leur soumission à la production marchande semble être de les évacuer de toute circulation de biens, de les isoler dans un lien à l’état pur. (...) Le modèle marchand a continuellement un double statut : celui d’être un des deux modèles, mais celui d’englober aussi les deux, d’être le méta-modèle de référence, car même quand on parle de la pure sphère des liens affectifs où aucun bien ne doit circuler, on a encore tendance à décrire le lien comme un bien.» (pp. 231 à 233).

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Footnotes

1. Duchesne A. et Leguay Th. (1994), p. 245.

2. Szondi L. (1952), p. 425.

3. Cfr J. Kinable, 1993.

4. Nous nous inspirons également ici d’un commentaire de ce texte par J. Schotte (1984).

5. Cfr. le récit par Mishima de la découverte de son homosexualité, analysé dans J. Kinable, 1991.

6. Kinable J. (1990, a-b 1991, 1993).

7. Freud S. (1969).

8. Cité par J. Chasseguet-Smirgel (1984) p. 201.

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